Trois règles pour écrire un roman qui séduira les maisons d’édition


Tous les auteurs, même ceux qui ont déjà été édités, vous le diront : faire accepter son manuscrit par une maison d’édition relève de l’exploit. Quand on sait que les éditeurs reçoivent plus d’un demi-million de manuscrits non sollicités chaque année et qu’ils n’en sélectionnent qu’une centaine au mieux dans le tas, votre probabilité d’être publié est à peine meilleure que celle de gagner au loto. La faute, néanmoins, comme toutes les lettres de rejet vous le rappelleront, est la vôtre entièrement et s’exprimera en une phrase sans appel : votre roman n’entre pas dans la ligne éditoriale de la maison. Clair, net et précis. Vous êtes passé complètement à côté de la cible.

Existe-t-il un remède à cela ? Et bien, malgré tout ce qu’on a pu vous dire, la réponse est oui. Voyons ensemble comment un tel miracle est possible.


0. Où l’on parle de chronologie.


Un écrivain, c’est évident, aime bien la chronologie. Pour lui, un roman a un début, un milieu et une fin et, même s’il décide de raconter son histoire à l’envers, il le fera néanmoins en commençant à la première page et en finissant à la dernière. Le roman prendra forme dans un ordre bien précis. Et, tout au long de son travail d’écriture, il portera une attention toute particulière à la chronologie des faits, à l’évolution de ses personnages et des situations, etc. C’est une progression ordonnée sans laquelle un roman risque de partir entièrement à la dérive.

Dans cette même logique, on écrit d’abord le manuscrit, on le fait relire et corriger et quand on sent qu’il est prêt, on le soumet aux éditeurs qui publient des titres similaires. C’est ainsi en effet que la plupart des écrivains procèderont, surtout s’il s’agit d’un premier roman.

Malheureusement, c’est une mauvaise habitude, dont il vous faudra rapidement vous défaire si vous désirez être publié. Parce qu’avant même d’écrire le premier mot de votre roman, vous devrez vous mettre dans la situation où il vous faudra le vendre à un éditeur. Et si vous attendez que le roman soit écrit pour faire cela, vous allez très probablement échouer.

Voici donc trois étapes essentielles à prendre en considération avant même de prendre la plume si vous espérez trouver un éditeur.


1. « Pourquoi n’avez-vous pas écrit un roman français ? »


Avant même de commencer à écrire votre roman (le prochain, je suppose, si vous lisez cet article), il va vous falloir sérieusement étudier le marché. Pas forcément pour copier ce qui se fait déjà (où serait l’intérêt ?) mais pour cerner le type d’histoire où vous n’aurez absolument aucune chance d’être publié en tant qu’auteur français. Eh, oui. Ça existe.

Les éditeurs aiment prendre des risques et vous donneront peut-être une chance si vous n’écrivez pas le genre d’histoire réservé aux traductions. Si votre histoire se déroule dans l’espace, dans un monde imaginaire ou dans un décor étranger, c’est mort pour vous. En effet, vous pouvez chercher dans tout ce qui est thriller, science-fiction, fantastique, romance, vous découvrirez que les éditeurs ne publient virtuellement que des traductions de bestsellers étrangers. Pourquoi iraient-ils investir dans le lancement d’un auteur français inconnu alors qu’il y a des milliers de titres qui ont fait un carton ailleurs et qu’ils pourront vendre sans investir un sou dans la promotion ou la publicité ? Si vous désirez vous en convaincre, allez faire un tour dans le top 100 des différentes catégories littéraires et notez pour chaque genre le nombre d’auteurs français édités par une maison traditionnelle y figurant. Vous allez être surpris.

Le seul genre d’histoire où nous n’avons pas à craindre la compétition des auteurs de bestsellers étrangers (ils y viendront peut-être un jour mais pour l’instant cela reste notre créneau), c’est ce que nous pourrons appeler le roman français ou le roman de terroir. Qu’est-ce que c’est que cette bête ? C’est simple, prenez un décor typiquement français, que ce soit le Quai des Orfèvres (Simenon et autres), les quartiers de Paris (Léo Malet ou Modiano) ou une ville de province. Écrivez une histoire fantastique ou un thriller situé en Bretagne, une histoire d’amour entre personnages historiques connus seulement chez nous, un roman de mœurs ou social dans un cadre purement français. Faites du Made in France avec un parfum local très accentué, jusque dans votre titre. Vous avez d’un seul trait éliminé toute compétition possible de la part des auteurs étrangers. La plupart de nos plus grands éditeurs ne publient pratiquement plus d’auteurs français mais tous ont une collection « Romans du terroir ». C’est votre niche. 
Vous pouvez écrire dans n’importe quel genre, du moment que le côté ‘terroir’ tient une place privilégiée dans votre histoire. [voir note]


2. Votre manuscrit fera-t-il le (bon) poids?


La plupart des comités de lecture n’ouvriront même pas votre manuscrit s’il dépasse les 500 grammes. C’est au poids. La raison en est économique et psychologique.

Tout d’abord, dans un contexte économique difficile, les commerciaux vont faire la gueule si on leur file un premier roman à 25 euros à placer auprès des libraires. Il va leur falloir argumenter pendant trop longtemps. Un truc à 10 ou 12 euros, ça passe plus facilement. Deuxièmement, l’éditeur est conscient qu’il va devoir demander à l’auteur de couper au moins la moitié du livre et c’est une discussion qu’il n’envisage pas avec grand enthousiasme, connaissant la susceptibilité des écrivains pour tout ce qui touche à leur œuvre.

Si vous arrivez avec un poids acceptable, 350,000 signes environ, vous allez faire des heureux. Pas de longues palabres avec l’auteur au sujet des coupures à faire dans le texte, ni de longues argumentations avec les libraires. 

Donc, même si écrire une méga-saga vous démange, essayez de faire court pour votre premier contact avec un éditeur. Si ça marche et que votre livre vend décemment, vous pourrez vous épancher dans votre second roman.


3. "Avez-vous envisagé une suite?"


C’est une des premières questions que l’éditeur va vous poser avant de brandir le contrat convoité. Il ne vous engage pas, dans son esprit, pour un roman mais pour la vie. Un étalon pour son écurie. Pour répondre au mieux à ses attentes, il faut que votre roman soit écrit de manière à vous laisser la possibilité d’en sortir une série de suites quasi infinie. Si votre manuscrit donne d’emblée l’impression que ce premier roman pourrait être le début d’une longue histoire d’amour entre l’éditeur, les lecteurs et vous, vous avez déjà un sabot dans le paddock.
 
Par contre, et à l'opposé, évitez de proposer le manuscrit du premier tome d’une saga en plusieurs volumes. Si le premier livre fait un bide, votre éditeur devra choisir entre perdre les trois cents lecteurs qui l’auront acheté et perdre du fric sur toute la saga. Donc dès que le comité de lecture verra « Tome 1 » inscrit sur la lettre de présentation, votre manuscrit a de fortes chances de partir directement au recyclage.


***


Voilà. Rien de tout cela n’aborde bien évidemment la qualité d’écriture, l’originalité, la présentation et les fautes d’orthographe ou de grammaire, éléments du manuscrit qui sont couverts dans d’autres articles sur le sujet, mais il est très probable que, même avec un texte parfait et un manuscrit sans fautes, si vous violez une ou plusieurs des trois règles ci-dessus, vous aurez beaucoup de mal à le faire accepter par un éditeur.

La semaine prochaine, si ma sciatique le permet : "Comment ne PAS écrire de dialogues comme Robert Galbraith si vous ne voulez pas être obligée de révéler votre véritable identité." 


[Note] Une exception notable est le livre de Joël Dicker, "L'affaire Québert", dont l’action se situe aux USA et qui est un pavé, ce qui prouve bien que nous pouvons faire aussi bien que nos compétiteurs étrangers. Ceci dit Dicker a été publié chez un éditeur qui ne reçoit pas de manuscrit par la poste, qui n'a même pas de site web et qui fonctionne plutôt aux liens d'amitiés, donc Dicker pouvait se permettre d'enfreindre certaines règles. Revers de la médaille, le titre a été crucifié aux USA, alors que s'il avait été transposé à la Côte d'Azur, la Corse ou un village de montagne en Suisse pour la traduction, les lecteurs américains auraient probablement été plus charitables.

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